Introduction
Dans le cadre du festival Nourrir Liège 2019, le CNCDD organisait, avec ses organismes membres, une soirée de débats politiques durant lesquels des représentant·e·s des partis politiques principaux de Wallonie (PS, MR, cdH, Ecolo, PTB, Défi) venaient discuter avec des citoyen·ne·s de sujets importants de société : l’alimentation et l’agriculture, la justice climatique, la justice migratoire, la justice fiscale, le commerce juste l’égalité hommes-femmes.
Chaque représentant·e se déplaçait de table en table, et passait une vingtaine de minute à discuter avec les citoyen·ne·s des thèmes proposés. Préalablement à ces discussions, chaque table avait eu également une vingtaine de minutes pour se présenter et discuter rapidement des sujets qui seront débattus. En ce qui concerne les débats sur l’agriculture et l’alimentation, les thèmes principaux abordés ont été la réforme de la PAC et l’aide au développement de la Belgique.
Il faut noter dès à présent que cet exercice montre bien que chaque représentant·e n’est pas spécialiste dans tous les domaines. Par conséquent, elles/ils n’avaient pas tous/toutes les mêmes connaissances sur les sujets de l’agriculture et de l’aide au développement. Cela peut se ressentir dans les débats. Certain·e·s venaient préparé·e·s en ayant fait quelques recherches, d’autres se basaient sur les écrits de leur parti, d’autres venaient « libres », sans notes ou documents. [1]
.
Les organisateurs du débat à la table sur l’agriculture avaient préparé des graphiques et autres supports pour présenter rapidement un regard sur l’agriculture (disparition des fermes, accaparement des terres et des aides de la PAC, ...) et sur l’aide au développement (la faim dans le monde qui recommence à progresser, nombre de personnes en malnutrition et état de l’obésité dans
le monde). Autour de la table, nous n’étions pas spécialement des spécialistes de ces sujets. Chacun·e venant avec ses connaissances et ses expériences.
On peut pointer un élément important dès à présent : aucun·e·s des représentant·e·s n’étaient contre le local ou l’agroécologie, elles/ils étaient tous/toutes pour l’interdiction du glyphosate et tous/toutes préconisent une agriculture familiale (même si elles/ils ne définissent pas clairement ce
qu’elles/ils entendent par ces termes).
Ce document présente les prises de notes et réflexions des participant·e·s de la table de discussion liée à l’alimentation et à l’agriculture, selon les partis politiques interrogés. La présentation des débats se fait par ordre des représentant·e·s qui se sont suivi·e·s à la table. Il n’y a aucune forme de « favoritisme » dans l’organisation du texte.
Défi : Renaud Duquesne (tête de liste chambre pour Liège)
Il nous a signalé que l’agriculture et l’aide au développement ne sont pas ses sujets de prédilection.
Il n’avait pas de fiches ou de dossier avec lui.
Pour le représentant de Défi, il semble important de revoir les règles de gouvernance de certaines institutions car, actuellement, elles empêchent le changement.
Afin d’apporter une agriculture plus proche du citoyen.ne, il propose de développer une société basée sur les services. Un·e agriculteur·trice ne serait plus seulement un·e producteur·trice de denrées alimentaires (ou autres) mais également un·e agent économique proposant des services autour de ses activités de production. Par ce biais, une relation différente peut voir le jour entre les
consommateur·trice·s et les producteur.trice·s. Ce qui peut engendrer une relocalisation de l’économie et une autre forme d’économie. Il faut lutter contre la concentration des filières.
Il lui semble aussi important de diminuer la centralisation des activités agricoles. Ce n’est pas normal d’avoir toute la filière des abattoirs organisée sur deux ou trois gros abattoirs. On se retrouve dans des situations de monopole. Pour ce faire, il propose de développer des lois antitrust. [2]
De plus, après les scandales qu’on a connu liés à la qualité, et, qui, selon le représentant politique, sont liés à cette centralisation au sein des filières, il préconise de revoir la qualité. D’être plus stricte et que celle-ci soit adaptée selon les formes de production : il faut un contrôle de proximité.
Malgré cela, il ne préconise pas de revoir l’attribution des subsides PAC selon les hectares. La réponse à cette situation est l’amélioration du travail de contrôle. Il considère que l’amélioration de la qualité et de son contrôle provoquera l’adaptation des grandes entreprises vers un service amélioré et une qualité meilleure pour les consommateur·trice·s.
En ce qui concerne la coopération, il reconnaît l’existence d’un certain flou sur où va l’argent allouée, et une forme de « cooptation » entre individus et organismes qui s’occupent de cela. Comme pour l’agriculture, il pense qu’en améliorant le contrôle, on pourra mieux gérer la destination des ressources pour la coopération.
De plus, il pense que la coopération devrait s’orienter, en priorité, sur des projets de formation et d’éducation. Il est important d’aider les personnes dans leur pays.
Ecolo : Samuel Cogolatti, 2eme candidat à la chambre pour Liège
Le représentant d’Ecolo est un spécialiste des questions agricoles et de l’alimentation. On a bien senti que c’était un sujet qui le passionnait et pour lequel il avait une certaine expertise, orientée vers les systèmes alternatifs comme l’agroécologie.
Au sujet de la PAC, un des gros soucis actuels de celle-ci est la très mauvaise répartition des richesses. Comme les graphiques le montrent, il n’est pas normal, pour Ecolo, que 20 % des exploitations agricoles européennes s’accaparent 80 % des subsides PAC. Cela ne permet pas ladiversité et le développement de modèles agricoles alternatifs.
Il préconise également une régionalisation/nationalisation (ou en tout cas une plus grande marge de manœuvre) de la PAC afin que les personnes puissent décider, localement, vers quel type d’agriculture et de modèle de consommation elles/ils désirent aller. On n’a pas cité le terme souveraineté alimentaire, mais cette revendication s’y rapporte.
Au niveau local, Ecolo, par la voix de son représentant, préconise une taxe TVA à 0 % sur les produits issus de l’agriculture biologique et/ou issus de l’agroécologie. Il pousse vers le développement de filières en circuit-court et à la promotion de la qualité au sein de ces systèmes.
En ce qui concerne l’aide au développement, la Belgique doit assumer et assurer son engagement de 0,7 % du PIB alloué à la coopération, et, au sein de ce budget, 15 % doit être orienté vers le droit à l’alimentation. Il a également parlé de l’aberration de certaines politiques qui se trouvent dans l’aide au développement, comme la gestion des flux migratoires. Celle-ci ne devrait pas en faire partie.
L’aide au développement dans l’agriculture devrait soutenir l’agroécologie.
MR : Mathieu Bihet, premier suppléant à la chambre pour Liège (président des jeunes MR)
Mathieu Bihet représentait le MR pour les débats. Il est actuellement échevin de l’agriculture sur la commune de Neuprez. Il avait préparé son sujet en s’intéressant à la souveraineté alimentaire. [3] Il a pris des notes pendant les conversations afin de se renseigner sur certains sujets qui ont été abordés.
Premièrement, il a fait une distinction entre deux types d’agriculture : l’agriculture familiale et l’agriculture capitaliste. [4] Il définit l’agriculture familiale comme une agriculture qui se transmet de génération en génération. Les activités des fermes sont gérées et pratiquées par la famille de l’exploitant·e. Le MR soutient l’agriculture familiale à taille humaine. Cependant, il ne désirait pas utiliser des chiffres (taille de la ferme, chiffre d’affaire, ...) pour déterminer ce qu’il entend par ce type d’agriculture. Les chiffres, selon lui, risquent de cloisonner le débat. Par ailleurs, il soutient que l’agriculture belge est propre, en comparaison avec d’autres pays. [5] Il faudrait promouvoir une agriculture raisonnée.
Pour lui, la coopération au développement en termes agricoles se traduit, concrètement, en exportant et en partageant des pratiques. Nous avons en Europe des technologies qui peuvent venir soutenir et aider les producteur·trice·s des pays du Sud. A partir des propos du représentant, il est possible de sous-entendre qu’il parle de technologies high-tech : il a donné l’exemple des drones.
Confronté à certain·e·s citoyen·ne·s autour de la table qui ne soutenaient pas ce type de technologie, il a reconnu qu’il n’avait pas une grande connaissance des alternatives dans le monde de l’agriculture. [6]
Il a, par ailleurs, montré qu’il était prêt à se renseigner et était ouvert à l’information. Il a reconnu ne pas être un spécialiste.
En outre, il reconnaît le problème de la transmission des fermes. Il pense qu’il existe un budget PAC lié à cette problématique. Tout de même, il n’est pas pour une diminution de la taille des fermes. Son avis est qu’il faut maintenir le tissu agricole.
En ce qui concerne la coopération au développement, il pense qu’il faut augmenter les budgets.
PS : Yahya Yayaoui, 7eme suppléant à la chambre pour Liège
Le représentant du parti socialiste avait préparé son sujet en se basant sur les revendications de son parti, derrière lesquelles il se reposait pour débattre.
En ce qui concerne la PAC, avant toute chose, pour lui, il est nécessaire de voir quel modèle on veut pousser avec ces aides. Selon lui, la PAC devrait avoir comme objectif de base la sécurité alimentaire et une meilleure redistribution des richesses. De plus, il fait le constat qu’on mange assez mal et qu’on gaspille énormément. Pour des raisons sanitaires, il est nécessaire de faire quelque chose dans ce domaine. Les aides PAC pourraient alors aussi être allouées vers l’éducation, pour que les gens soient éduqués à manger mieux.
Il parle également de taxer les produits de luxe.
Il faut encourager le développement de filières locales.
Il insiste sur le rôle de l’OMC et du commerce international, qui jouent un rôle négatif pour l’agriculture. Il faut maîtriser le commerce agricole et empêcher que soient jetés des surplus. C’est un rôle (ou une forme de responsabilité) que l’agriculture locale et l’agroécologie prennent en compte dans leurs pratiques.
Au niveau de l’aide au développement, il a présenté ce que le parti préconise : la fin de l’accaparement des terres, l’interdiction de la spéculation sur les prix des denrées agricoles, l’accès à l’eau, des systèmes de stockage des aliments.
cdH : Vanessa Matz, tête de liste chambre Liège
Elle avait aussi préparé les sujets (elle est venue avec différentes fardes selon les thèmes des différentes tables). Elle a reconnu tout de même que l’agriculture n’était pas son sujet de prédilection.
Le cdH pousse vers le retour d’une agriculture familiale durable en lien avec l’environnement. Cela se traduit par l’arrêt des grosses entreprises agricoles. Par conséquent, la réforme de la PAC actuelle peut être vue comme une opportunité car il est possible de soutenir une transition vers une reconversion agricole qui se traduit par le développement de plus petites fermes basées sur une
agriculture familiale durable.
Elle préconise une forme d’exception agricole dans les règles du commerce.
Elle a indiqué le rôle du cdH pour l’agriculture durable en Wallonie (code wallon où on retrouve la souveraineté alimentaire, aides pour le bio, ...).
En ce qui concerne l’aide au développement, elle désire atteindre les 0,7 ̈ % du PIB alloués à cette aide, et les 15 % de ce budget pour l’agriculture et l’alimentation. [7] Pour assurer cette aide, il faut « taper sur plusieurs clous en même temps », pour reprendre les propos exacts de la représentante du parti. Cela peut se faire à travers l’accompagnement, l’aide à l’achat de matériel et la mise en place d’un juste prix. Ce dernier point pourrait se faire par une certaine régulation du marché et/ou une exception au marché.
PTB : Rafik Rassa, 5eme candidat à la chambre pour Liège
Il venait aussi préparé en se basant sur les propositions de son parti. Il a tout de même reconnu que l’agriculture n’était pas son domaine.
En ce qui concerne la PAC, il ne faut pas diminuer les budgets et il ne faut pas la régionaliser. Il explique que l’Europe a la taille parfaite pour assurer une souveraineté alimentaire européenne et une agriculture diversifiée pour l’ensemble des concitoyen·ne·s. Par conséquent, il faut garder une cohérence agricole au niveau européen. Cela ne peut pas se faire si on régionalise/nationalise une
partie de la Politique Agricole Commune (qui peut créer un danger de concurrence et donc de course vers le bas).
Il faut pousser au développement d’un autre modèle agricole dominant. Il parle alors d’agroécologie qu’il traduit par une augmentation du nombre de fermier·ère·s (une agriculture intensive en travail humain. Ce qui pourrait augmenter l’emploi dans les pays), des méthodes de production saines
(sans pesticides), une agriculture paysanne et familiale (qu’il traduit par des tailles de fermes plus petites).
Le développement de ce type de modèle peut se faire par une révision de la PAC qui exclurait les grandes exploitations capitalistes, en poussant l’agroécologie et l’agriculture biologique, et en assurant une rémunération correcte des fermier·ère·s. Pour y arriver, il faut passer par la contrainte. Ceux qui la subiraient, s’adapteraient. (La contrainte est surtout ici entendue par l’arrêt total des
subsides pour ces structures).
Le PTB ne pense pas qu’on puisse amener des changements nécessaires en ne se focalisant que sur une transformation de la demande. Il est nécessaire d’apporter des changements radicaux au niveau de la production.
En ce qui concerne l’aide au développement, il a exposé les mêmes chiffres que ceux présentés par ses collègues des autres partis (0,7 % du PIB et 15 % des budgets à l’agriculture). Il est nécessaire de soutenir des projets dans les pays du Sud qui suivent les principes de l’agroécologie. Il faut également stopper le dumping économique de produits provenant de l’Europe vers ces pays.
Finalement, il rejoint Ecolo sur le retrait des politiques liées aux questions migratoires de l’aide au développement.