• Le MAP : Pourquoi un mangeur s’investirait-il plus dans un SPG, plutôt que dans une AMAP, un GAC,… ?
Serge : C’est tout à fait complémentaire. Le SPG permet de mieux comprendre la réalité des paysannes/paysans concernant leurs productions, les difficultés rencontrées sur le terrain, etc. C’est un véritable moyen d’échange entre producteurs et consomm’acteurs, une solution donc pour se réapproprier sa nourriture, notre souveraineté alimentaire. Cet outil pratique permet d’accompagner, de réfléchir à plusieurs pour développer plus de solidarité, construire et non pas détruire (comme le font les labels ou l’afsca). Les contrats AMAP, GAC,… s’inscrivent dans un engagement pour toute une saison, ce qui est évidemment formidable pour les producteurs mais le SPG est un système complémentaire qui va plus loin pour se donner aussi les moyens de comprendre et d’améliorer non seulement l’aspect économique mais aussi les aspects écologique, énergétique et social !
• Le MAP : Comment avez-vous procédé, très concrètement, pour contacter et sensibiliser des mangeurs à votre démarche ?
Serge : Depuis le printemps 2015, nous recentrons nos paniers de légumes de saison au niveau local. Ce nouveau système novateur et engagé permet d’établir véritablement un contrat entre le partenaire-le paysan maraîcher-la nature. Les partenaires viennent chercher leurs légumes chaque semaine et peuvent aussi participer aux récoltes (fraises, haricots,…). Le principe du panier a toujours été chez nous un délicieux moyen de sensibiliser les papilles gustatives mais aussi les cœurs et les têtes. Un feuillet explicatif est glissé dans chaque panier avec des recettes, les infos de la ferme, les activités,… afin de bien expliquer le projet et d’entretenir les relations. Le fait de se voir régulièrement aussi permet aux partenaires de découvrir le SPG et d’en faire partie, chacun à son rythme et selon ses possibilités. L’important est de grandir ensemble dans ce projet concret, en expliquant convenablement les tenants et les aboutissants.
• Le MAP : Le SPG entraîne-t-il d’office l’établissement d’un budget prévisionnel très serré ?
Serge : Nous mettons en place ce SPG sans aucun subside et nous y consacrons beaucoup de temps et de l’énergie parce que nous y croyons. Si on pouvait recevoir un soutien financier, c’est sûr qu’on pourrait avancer plus vite, surtout dans le développement des critères. Les paysans n’ont malheureusement pas encore assez de reconnaissance. Leurs revenus restent toujours inférieurs à ceux des autres métiers. C’est aussi cette réalité que nous voulons montrer à nos partenaires. Cela fait belle lurette que nous pensons à la ferme que les subsides vont se terminer. C’est donc un bon moyen de responsabilisé les citoyens, surtout qu’en on sait que pour 1 € de subside donné, l’Etat dépensait autrefois au moins 10 € (chiffres d’il y a plus de 20 ans)… C’est absurde et ce sont les contribuables qui payent évidemment ! Avec le SPG, l’agriculture paysanne agroécologique peut également se réapproprier sa liberté financière et sortir du système capitaliste vorace et destructeur !
• Le MAP : le volontariat qu’entraîne le SPG n’entrave-t-il pas la création d’emploi ?
Serge : Soutenir directement l’agriculture paysanne par le biais des consomm’acteurs engagés, avec leurs producteurs, voilà une démarche positive ! En se donnant par la même occasion la meilleure garantie existante : la participation et la réflexion pour construire la confiance tout en améliorant la qualité. N’est’ elle pas là la véritable création d’emploi ? Un bon moyen certainement pour essayer de donner enfin un revenu digne et une reconnaissance aux paysannes et aux paysans… Les consomm’acteurs ont donc vraiment un rôle important à jouer !
• Le MAP : Comment imaginer un copié-collé de votre projet sur d’autres régions ?
[brun clair]Serge [/brun clair] : J’espère évidemment que notre expérience pourra être utile à d’autres projets. L’utilisation des critères énergétique, écologique, socio-économique... est réellement primordiale si l’on veut donner du sens au mot qualité, pas juste un mot sur un produit. Le MAP peut agir sur le terrain. Il y a aussi la Marguerite que la Cellule Qualité avait bien commencé à élaborer, une belle fleur qu’il faut faire vivre maintenant sur les marchés fermiers. Un SPG à part entière qu’il serait nécessaire de développer encore et encore.
• Le MAP : Le SPG est-il une solution porteuse pour celles et ceux qui souhaitent s’installer ou est-il préférable pour eux de, d’abord, lancer leur activité ? Ou, autrement dit : peut-on intégrer un SPG dans un plan d’installation ?
Serge : C’est évidemment mieux de démarrer conjointement le SPG au moment de l’installation, pour autant que ce soit possible. Pour cela, il faut que les consommateurs sortent de l’ordinaire. En général ceux qui payent pour de la qualité exigent de la qualité, ce qui est tout à fait légitime évidemment mais c’est aussi trop limité. Il faut aller plus loin, les consomm’acteurs quant à eux peuvent réellement s’impliquer dans cette démarche positive et constructive du SPG, avec leurs producteurs pour s’améliorer concrètement et tendre vraiment vers cette agriculture paysanne agroécologique.
Le tout est de rassembler ces personnes engagées qui veulent donner un peu de leur temps. Ce vieux rêve, nous avons commencé à le réaliser à la ferme. Je dois avouer que j’ai été déçu de nos GASAP (Groupement d’Achat Solidaire de l’Agriculture Paysanne) à Bruxelles, le s de solidarité était trop petit à mon goût même si chacun fait ce qu’il peut… Mais je ne suis pas rancunier, tout est fait dans notre société pour nous faire consommer (sans remettre nos comportements en question). Il faut voir aussi le coût trop bas de l’énergie fossile qui fausse (notamment) le prix de notre alimentation produite par l’agriculture industrielle sur mécanisée (le bio industriel aussi). Nous avons dû faire un choix difficile, mais notre nouveau projet a de l’avenir, j’en suis convaincu. L’heure est venue où les consomm’acteurs s’unissent vraiment pour soutenir leurs producteurs. Appliquer les belles chartes et de beaux contrats sur papier ne suffit pas. Il faut passer à l’action ! Les jeunes paysans pourront s’installer qu’à partir du moment où leur métier sera reconnu et rémunéré à sa juste valeur en pratiquant une agriculture réellement respectueuse de la biosphère.
A suivre bien sûr…
Serge Peereboom